Manifeste pour la gestion du temps
Gérer son temps pour mieux prendre son temps.
– Lyon, France – Février 2022 –
Isaac Watts a écrit un grand nombre d’hymnes, dont des classiques comme « Joy to the World ».
L’un des aspects les plus intéressants de son travail est qu’il ne se contentait pas de travailler le premier couplet ; on arrive à des parties des hymnes où le choeur, clairement, marmonne et il y a encore des paroles qui donnent à réfléchir.
Une de mes phrases préférées ? Dans O God, Our Help in Ages Past, un verset vers la fin contient cette métaphore : « Time, like an ever-rolling stream, bears all its sons away. They fly, forgotten, as a dream dies at the opening day. » (Le temps, comme un ruisseau qui ne cesse de couler, emporte tous ses fils. Ils s’envolent, oubliés, comme un rêve meurt au premier jour.)
Note : certains recueils de cantiques modernes remplacent le terme « son » (fils) par « bears all our years away,… » (emporte toutes nos années), ce qui est encore plus parlant, je trouve.
Plus j’étudie la question du temps, plus je trouve cette comparaison pertinente. Le temps est comme l’eau en mouvement. L’eau en mouvement t’entraîne avec elle. Elle continue à bouger quoi que tu fasses. C’est pourquoi il est facile de laisser passer du temps sans réfléchir, en se concentrant uniquement sur le rocher ou le tourbillon qui t’emporte à ce moment là. Il est difficile d’imaginer l’eau derrière soi, ce qui est maintenant de l’eau qui a coulé sous les ponts, comme on dit. Ça m’amène à une deuxième image, celle des souvenirs fugaces qui ne sont plus tout à fait à notre portée. J’ai rêvé de choses intéressantes la nuit dernière. Ces complots et ces intrigues ne sont plus que des ombres. Il en va de même pour un grand nombre d’heures et de jours qui appartiennent désormais au passé.
Personne ne peut arrêter le temps. Personne ne peut même le ralentir. Mais prendre conscience de ces heures au fur et à mesure qu’elles défilent peut changer l’expérience de notre vie quotidienne. Documenter les heures qui passent peut également rendre les souvenirs plus accessibles. Ils ne sont plus tout à fait oubliés.
Ce qui m’amène à l’analyse du temps passé. J’ai commencé à suggérer aux gens de regarder ce à quoi ils/elles passaient leur temps il y a déjà quelques années. Et j’en ai fait de même. Cette expérience m’a ouvert les yeux, en partie parce qu’avant de m’intéresser à ce sujet, je ne savais même pas qu’il y avait 168 heures dans une semaine. C’est le cas de la plupart des gens. On vit notre vie dans un cycle répétitif de semaines, estimant des proportions sans même connaître le dénominateur. Le fait de voir où sont passées ces 168 heures m’a permis d’avoir une vision beaucoup plus globale de mon temps. Et même si, oui, il y a eu quelques moments d’angoisse (on perd tous et toutes du temps… beaucoup de temps), j’ai trouvé l’expérience plutôt réconfortante. En 168 heures, je prenais généralement du temps pour un grand nombre de choses qui me tenaient à cœur. Connaissant la taille et la forme du caneva, je pouvais expérimenter davantage et réaliser quelque chose d’encore plus satisfaisant.
J’ai trouvé l’expérience suffisamment utile pour décider de la faire de manière régulière depuis 2017. En Avril 2024, j’y crois toujours. Ces 7,5 années allaient de toute façon s’écouler, au fil de l’eau, mais elles n’ont disparues aussi vite que mes rêves de la nuit dernière. Je peux presque prendre un mardi au hasard, en dessiner le contexte et quelques souvenirs plus précis me viendront à l’esprit.
Je ne m’attends pas à ce que quiconque suive son temps en permanence année après année (mais si tu te sens de le faire, je te promets que ce n’est pas un si gros fardeau ! Trois minutes par jour, plus ou moins. Comme se brosser les dents). Mais je pense que tout le monde peut tirer profit d’un minimum de suivi hebdomadaire. Tu peux télécharger le modèle que j’utilise (intervalles de 15 minutes), utiliser une application ou juste un carnet. Note simplement ce que tu fais, aussi souvent que tu y penses, avec autant de détails que tu penses être utiles pour toi. Par exemple, je note certaines activités de la vie quotidienne (comme se doucher ou se préparer), mais je ne note pas chaque passage aux toilettes ou chaque pause. Si je donnes un cours, j’écris simplement « école » ou quelque chose du genre. Il faut trouver un équilibre entre les détails et la faisabilité. Le fait d’être un peu plus vague m’a permis de continuer à le faire régulièrement pendant des années, ce qui donne une image plus complète de la vie que si je visais la perfection… et que je m’arrêtais parce que ça devenait ingérable.
Si c’est nouveau pour toi, tu devras probablement créer des rappels de noter. Il est assez facile de se souvenir de quelques heures au cours de la journée. Tu peux donc programmer quatre ou cinq alarmes au cours de la journée pour t’arrêter et noter ce que tu as fait de tes heures précédentes. Si tu continues plus d’une semaine, tu n’auras plus besoin de le faire, car ça devient vite une habitude et, étrangement, tes souvenirs sont de plus en plus précis (je peux maintenant enregistrer 24 heures de manière assez détaillée si je le souhaite, mais je vérifie encore généralement trois fois par jour). Les week-ends ont tendance à être plus difficiles que les jours de semaine pour les débutant·es, mais ils valent vraiment la peine d’être suivis aussi. Il s’agit de temps réel et il est impossible de se faire une idée précise de la vie sans les données du week-end.
Au bout d’une semaine, prends le temps d’analyser ton journal. Si tu le souhaites, tu peux additionner les principales catégories. Combien de temps as-tu passé à dormir ? À travailler ? Dans la voiture ou dans les transports ? En famille ? À faire le ménage ou les courses ? À regarder la télévision ou d’autres écrans ? Hobbies ? Faire de l’exercice ? Lire ? Du bénévolat ? À moins que tu n’aies vraiment l’intention de créer des diagrammes complexes, toutes ces catégories n’ont pas besoin de s’exclure mutuellement et d’être exhaustives. Si tu écoutes des livres audio tout en faisant de l’exercice, tu peux te féliciter, tout d’abord, et compter ces heures comme deux activités. Si tu es adepte des diagrammes et tout le tintouin, il te suffit de créer une catégorie exercice/lecture multitâches.
La question la plus importante est de savoir ce que tu penses de la manière dont tu utilise ton temps. En réfléchissant à la semaine écoulée, qu’est-ce qui t’a plu ? Qu’est-ce qui fonctionne dans ta vie ? Célébre-le ! Tu peux te demander ce que tu aimerais faire plus souvent. Et, bien sûr, tu peux également déterminer ce que tu aimerais faire moins souvent ; avec les données en main pour faire des choix intelligents. En général, si tu veux mieux utiliser ton temps, il te faut savoir où il passe maintenant, et c’est exactement ce que ce exercice te permet de faire.
En devenant plus attentif au temps, celui-ci devient plus riche et plus complet. Les années continuent de s’écouler. C’est toujours le cas. Mais comme la vie est vécue en heures, en être plus conscient·e nous permet d’être des intendant·es plus avisés du temps qui nous est imparti. Ça peut paraître beaucoup demander à un simple template, mais je te promets que c’est possible !
Tu peux commencer à analyser ton temps à n’importe quel moment, mais si tu as besoin d’un petit coup de pouce, j’organise un défi une fois ou deux par an. Je publie mes relevés sur Substack et si tu t’abonnes, tu reçois un email de conseils quotidiens pour mieux gérer cette semaine. Alors, ça te tente ?
Crédit photo : Justin Veenema